La famille cherche à concilier individualité et sentiment d'appartenance.
Thème : La famille, une institution en évolution.
La Famille aujourd'hui n'est-elle réellement centrée que sur les relations conjugales, et les relations parentales ? Echouerait-elle à créer du lien entre les générations ? Quelques éléments d'analyse sociologique.
"L’importance de l’affectivité et de la négociation des relations familiales signale-t-elle véritablement un recentrement sur la famille nucléaire qui remettrait en question l’univers symbolique de la parenté fondé sur la succession des générations? Dans l’ouvrage intitulé « Le nouvel esprit de famille » (2002), Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre et Martine Ségalen soutiennent que l’affectivité déborde largement de l’univers nucléaire pour s’étendre à l’ensemble de la lignée. Elles montrent comment les individus et les familles « réinterprètent le passé en y sélectionnant les éléments propres à assurer un présent qui plonge sans cesse en avant ».
Pour la suite de l'extrait et le travail guidé :
En mettant l’accent sur le rapport de chacun à la mémoire familiale, certains auteurs ont en effet démontré de maintes manières comment le lien familial fait désormais l’objet d’une fabrication souvent délibérée par les acteurs eux-mêmes. Par exemple, l’étude de la passion de très nombreux amateurs pour les recherches généalogiques a permis de mettre à jour le fait que chacun retient certains ancêtres et en écarte d’autres pour se constituer une parenté « sur mesure » (Sagnes, 1998). On peut penser également aux albums de photographies de familles qui connaissent une grande popularité et qui sont fabriqués le plus souvent autour de la naissance d’un premier enfant. Les photographies, mais aussi le discours qui les accompagne montrent non plus des portraits figés commémorant les grands événements mais bien le quotidien des familles. Il s’agit d’y présenter une version idéalisée de l’histoire familiale à partir d’éléments spécifiquement choisis tout en conservant néanmoins quelques clichés plus traditionnels où figurent trois et parfois quatre générations. Ces albums sont racontés principalement aux enfants qui y apprennent l’histoire récente de leur famille mais aussi leur généalogie.
Par ailleurs, on observe que les dons et échanges de photographies reflètent étroitement le processus de permutation des places du système généalogique par lequel l’arrivée d’un premier enfant déplace ses ascendants le long de l’échelle généalogique. Développées presque toujours en double, les photographies empruntent la lignée maternelle et sont données par les nouvelles mères d’abord aux grands-mères et arrière-grands-mères, aux marraines, et ensuite seulement aux autres membres de la famille. Si la pratique photographique semble avoir comme fonction première, de nos jours, de faciliter l’acquisition chez les parents de leur nouveau statut de parent, cette pratique sociale a aussi pour effet d’inscrire l’enfant symboliquement dans sa filiation (Belleau, 2000).
Enfin, Déchaux (1997) met en évidence, dans son étude sur la mort, comment il est de plus en plus fréquent de personnaliser la cérémonie des obsèques et donc notre rapport à la mort, plutôt que de se soumettre à un rituel ancien. D’ailleurs, il devient courant aujourd’hui de préparer cette cérémonie de son vivant. Comme le souligne cet auteur, ce qui distingue ce type d’affiliation n’est pas tellement la subjectivité à laquelle il fait référence mais plutôt le fait qu’il soit « en phase avec les valeurs de la société moderne résumées sous le terme d’individualisme : primat de l’électif sur l’assigné, réversibilité et révocabilité des liens, dévalorisation des rituels et rôles établis au profit de l’expérience originale et personnelle ». (Déchaux, 1997 :314). On perçoit dans de nombreuses pratiques familiales ce désir de transmettre un bagage qui dépasse l’individu, tout en remplissant une fonction identitaire plus individualiste. En effet, en fabricant une mémoire familiale, les individus semblent se raccrocher subjectivement aux autres générations."
Source : Belleau Hélène, "Etre parent aujourd'hui : la construction symbolique du lien de parenté", Article in Enfance, Famille, Générations, CDRFQ, numéro 1 , automne 2004.
Travail guidé :
1- Expliquez pourquoi les familles nucléaires ne sont pas uniquement le lieu d'épanouissement de valeurs individualistes. (utilisez éventuellement le lexique de SES disponible dans les outils).
2- Sur qui semble reposer la production et l'entretien des mémoires familiales ?
3- Sociologue en herbe, j'enquête ! : Choisissez un membre de votre parenté et interrogez les menbres de votre famille sur les photographies qu'ils détiennent de cette personne (nombreuses ? depuis son enfance ? que représentent-elles généralement ? A quelles occasions ont-elles été prises ? qui leur a transmises ? à qui les transmettront-ils ? font-elles partie d'un album ? en ont-elles fait partie ? à quels moments refait-on l'album ? pour introduire quelles photographies, pour en retirer quelles autres ?....).
4- Faites-vous raconter un album de photographies par un membre de votre famille. Et produisez-en une courte analyse en mobilisant les apports de cet article.
Libellés : Famille
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home